Carnet de tendances et nouveautés - Le bois œnologique, naturel et polyvalent

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Depuis plusieurs années, les producteurs de bois pour l’œnologie entendent changer l’image du chêne en morceaux. L’intrant naturel, au processus d’élaboration proche, voire identique, à celui utilisé pour les douelles de barriques, est valorisé pour sa polyvalence d’usages. Les notes boisées et les saveurs marquées restent un classique demandé. Mais le bois œnologique est aussi de plus en plus apprécié pour la sucrosité qu’il peut conférer, sans masquer la complexité endogène du vin. Pour assurer la reproductibilité des profils et l’originalité des produits, les orientations des fournisseurs sont variées. Certains misent sur la sélection des bois, par l’origine ou par l’analyse, d’autres sur la maturation ou la chauffe.

evOAK - Oak Solutions Group : Se questionner, tester, déguster
Granulats, copeaux, cubes, staves, chêne français ou américain, torréfié, un peu, beaucoup, pas du tout… Dans cet univers complexe, comment choisir ? « Le premier point à appréhender est le facteur temps. De combien de temps le vinificateur dispose-t-il pour finaliser son vin lorsqu’il envisage d’utiliser des bois de chêne pour l’œnologie ? Deux, six, douze mois ? Le temps de contact entre le vin et le bois est un paramètre capital pour sélectionner le format des produits bois pour l’œnologie, rappelle Christophe Viguié, directeur commercial Europe d’Oak Solutions Group. Sur des vins à rotation courte, où l’intégration des composés du bois doit être rapide on privilégie classiquement des pièces de bois de petite taille. Il faut ensuite s’interroger sur les objectifs œnologiques recherchés : corriger un défaut comme un caractère végétal trop marqué, apporter de la structure, enrichir la matrice du vin en saveurs, utiliser le bois pour ses tanins antioxydants dans l’élaboration d’un vin sans sulfites… Pour une contrainte similaire, la réponse bois sera différente pour un vin qui vient de terminer sa FA ou pour un vin élevé qui doit être expédié dans deux mois. Ce cheminement, auquel s’ajoutent des considérations économiques, va orienter le vinificateur. La dégustation des essais réalisés sur des échantillons de vin avec divers assemblages de bois lui permettra de choisir sa solution. Oak Solutions Group propose ce service. »
Nouveauté 2021
En copeaux et en staves, Oak Solutions Group propose sous sa marque evOAK la référence High Extract Caramel. « La tendance est au bois qui met en valeur l’expression naturelle fruitée des vins. Nous y répondons tout en continuant d’innover sur les saveurs. Dans la série High Extract, nous nous concentrons sur des expressions de saveurs singulières qui peuvent être utilisées seules ou en assemblage. Les techniques de chauffe appliquées au bois des copeaux et des staves font ici ressortir les saveurs de caramel du chêne qui viennent se fondre sur le milieu de bouche », détaille Christophe Viguié.

Laglasse France : la maturation 100 % naturelle
Des producteurs français de bois pour l’œnologie sont aussi mérandiers. Ils maîtrisent alors la chaîne de production dans son intégralité. C’est le cas de l’entreprise Laglasse, installée en Moselle au cœur de la plus grande région forestière de France. « Nous fendons les billes de chêne local en merrains. Ces pièces de bois, futures douelles, sont vendues à des tonneliers pour qu’ils réalisent leurs barriques, explique Jérôme Laglasse, président de Laglasse France. Sur site, Laglasse valorise les autres parties du bois, en staves, en dominos et en copeaux. Mais avant cette étape d’usinage, le bois est maturé. » Ici, tout se déroule à l’air libre, sans arrosage artificiel. « Les précipitations, pluie ou neige, sont bien réparties sur l’année. Il pleut en moyenne 1 100 mm par an sur la commune de Varize-Vaudoncourt. Cet arrosage naturel et régulier permet d’extraire une part importante des tanins astringents par les pores bien ouverts du bois. Dans ces conditions optimales, il faut deux ans pour que le taux d’humidité des merrains chute entre 18 et 20 %.
Un passage en séchoir permet d’atteindre une hygrométrie homogène. » Les bois usinés sont ensuite chauffés. La torréfaction est réalisée uniquement sur commande ; par induction, en double chauffe induction puis brasero, au brasero pour les staves et les dominos. « Le sur-mesure est une de nos marques de fabrique, indique Jérôme Laglasse. Si le besoin du vinificateur est de 33 staves avec 4 chauffes différentes, la commande sera ainsi livrée, avec un possible suivi de nos œnologues. »
Nouveauté 2021
Pour l’élevage, Laglasse propose cinq formules de boisage : fruité, bistrot, complexe, barrique et antidote.
Pour tester ces assemblages de chauffe, des kits d’essais sont proposés. Laglasse fournit un BIB de 3 l contenant les bois œnologiques en formule et justement dosés. Le vinificateur peut facilement faire un test avec son vin.

Tonnellerie Vinéa : la diversité est dans la chauffe
Hormis pour les bois frais, les bois œnologiques sont chauffés. Cette étape permet d’éliminer une partie des ellagitanins encore présents dans le bois après la phase de maturation.
La chauffe dégrade aussi des celluloses, des hémicelluloses et des lignines du chêne. Avec la chaleur, ces molécules se transforment en composés aromatiques. Ces marqueurs de chauffe présentent des odeurs de toast, de caramel, d’amandes grillées… La dégradation thermique des sucres conduit également à la formation d’autres composés qui vont se fondre dans le vin à son contact.
Chaque fabricant à ses recettes de chauffe intégrant des couples durée/température propres à chaque produit. Pour chauffer les bois œnologiques, parfois à des températures dépassant les 300 °C, la majorité des producteurs utilise des fours convectifs dans lesquels circule de l’air chaud.
Il existe néanmoins de la diversité dans les moyens de chauffe. L’entreprise Vinéa utilise ainsi le brasero. « C’est la chauffe au feu de bois que l’on retrouve traditionnellement dans le monde de la tonnellerie, rappelle Anouck Chapuzet Varron, directrice générale de Vinéa. La méthode développe des arômes fumés. C’est une chauffe structurante que nous utilisons pour environ un tiers de nos bois œnologiques. »
En parallèle de cette chauffe de surface, la société charentaise utilise des techniques de chauffe à cœur et notamment la chauffe céramique. Les lames de bois circulent entre des plaques en céramique chauffées. « On révèle le potentiel aromatique du chêne sans apport de touche fumée. La cuisson du bois est homogène sur toute l’épaisseur et la surface des lames. »
Enfin, depuis plus de cinq ans, Vinéa propose la cuisson hydrocéramique. Les lames de bois maturé sont placées dans un milieu clos saturé de vapeur d’eau. La montée en pression du milieu dilate les pores du bois qui se remplissent de vapeur. « Les derniers tanins agressifs sont relargués. Puis vient le moment de la chauffe céramique. L’eau étant plus conductrice que l’air, la chaleur se diffuse plus rapidement dans le bois. La cuisson se fait à cœur avant que le bois ne commence à torréfier. Avec cette méthode, le bois développe ses arômes naturels, floraux
et sucrés », indique Anouck Chapuzet Varron.

Œnochêne : la polyvalence d’usages
Les bois œnologiques transmettent au vin certains de leurs constituants naturels. Et les qualités intrinsèques du bois à elles seules suffisent à complexifier la palette aromatique d’un vin, à stabiliser sa couleur, à apporter de la rondeur… Avec quelles finalités ? Celles d’améliorer la qualité d’un vin, de créer un nouveau profil, de satisfaire les demandes des clients sur un marché concurrentiel international, etc. La polyvalence d’usages est aujourd’hui confirmée. Alain Bayonne, directeur général de la cave coopérative La Suzienne (Drôme), en est un bon témoin. « Nous utilisons des bois œnologiques sur les vins blancs et rouges, notamment durant la vinification. Par exemple, sur les syrahs, nous utilisons des chips Sweety Fr et Fruity Fr d’Œnochêne qui, entre autres, gomment le caractère végétal sans apporter de notes toastées. Avec le changement climatique, les baies mûrissent trop vite et/ou sont soumises à du stress hydrique qui apporte des tanins “végétal sec”. Sur le millésime 2021, qui a connu le gel et la coulure, les bois œnologiques vont être une réponse pour gérer les maturités très hétérogènes.»
La cave travaille beaucoup avec les blends de vinification, assemblages de bois frais et toastés, construits par Œnochêne pour s’adapter aux différents cépages. Blend 12 pour le viognier, Blend 22 pour les merlots en vendanges chauffées… « Ces assemblages apportent plus de complexité à la matrice du vin que les seuls bois frais, note Jérôme Baudin, œnologue et directeur général d’Œnochêne. Pour cela, et parce qu’ils sont simples d’usages pour les opérateurs, la demande sur nos blends de vinification est croissante. »
Nouveauté 2021
La gamme Quality One, bois œnologiques pour l’élevage des vins élaborés exclusivement à partir de chêne français, s’agrandit. Œnochêne propose désormais des douelles de 27 mm déclinées en trois références : Douceur, Tradition et Minéral. Pour ces nouveautés adaptées à des vins rouges premium et super premium, avec un temps de contact de 9 mois, le bois est maturé pendant 36 mois ! « Chez Œnochêne, nous travaillons beaucoup sur nos achats de matières premières, des merrains déclassés, pour avoir une bonne homogénéité de maturation et des qualités de tanins du chêne très bonnes et régulières. Cela a un impact positif sur la reproductibilité de nos chauffes. Nous travaillons par convection, ce qui permet une chauffe à cœur et homogène. Ce n’est qu’ensuite que nous découpons nos merrains toastés en chips, microstaves ou staves. »

Article paru dans Viti Leaders n°463 de septembre 2021

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