Comprendre la biodynamie : en quoi cela consiste ?

Il y a 3 années 983

Après avoir discuté avec quelques-uns des meilleurs producteurs adeptes de l'agriculture biodynamique, notre dernière enquête tente de mieux comprendre cette pratique et les valeurs communes d’une philosophie souvent méconnue.

Souvent associée à la viticulture biologique, la biodynamie impose également la non-utilisation de pesticides et d'engrais chimiques, et bon nombre de ces vins sont donc biologiques en pratique. Certifiée par des associations indépendantes (comme Demeter et Biodyvin) et non par le gouvernement, la biodynamie va plus loin en proposant une approche plus holistique de l'agriculture qui vise à englober tous les processus biologiques naturels. Créée en 1924 par Rudolf Steiner - un philosophe et scientifique autrichien - la biodynamie repose sur la croyance fondamentale que toutes les espèces vivantes sont en constante transformation sous l'effet de réalités physiques, métaphysiques et cosmiques qui les impactent. Bien que cela ne soit pas essentiel pour la certification, la plupart des producteurs qui pratiquent cette méthode suivent donc le calendrier lunaire biodynamique qui détermine les jours les plus propices aux activités de viticulture et de vinification, en fonction du cycle lunaire.

Biodynamie_Domaine_des_Comtes_LafonLe calendrier biodynamique : Le soutirage au Domaine des Comtes Lafon (photo) est rythmé par les phases lunairesEn Bourgogne, le Domaine des Comtes Lafon prévoit la plantation, la taille, la récolte, le soutirage et la mise en bouteille selon le calendrier lunaire (voir photo ci-dessus), bien qu'il ne soit pas officiellement certifié. Après avoir adopté l’agriculture biodynamique en 1998, Dominique Lafon, propriétaire et vigneron du domaine, nous explique qu’il fut inspiré par cette pratique mise en œuvre dans les vignobles de plusieurs de ses amis de l’époque parce qu’il était "impressionné par la façon dont les vignes se développaient". Il souligne que même si elle demande plus de temps, l'agriculture en biodynamie lui apporte "le plaisir du travail au plus près des vignes, en suivant leurs rythmes naturels".

Les producteurs en biodynamie doivent, entre autres, effectuer une préparation avec une corne de vache, connue sous le nom de "bouse de corne" ou "préparation 500" : la bouse est introduite dans la corne d'une vache et la préparation est enterrée sous la vigne pendant six mois. Les cornes sont ensuite déterrées, et leur contenu est mélangé à de l'eau et pulvérisé dans le vignoble dans l'idée que la solution favoriserait la croissance des plantes et améliorerait la qualité des récoltes. Dominique nous explique que si certains résultats de l'agriculture biodynamique peuvent être observés "rapidement, dès la première année", la préparation 500 commence à modifier le sol "après environ trois ans et elle est pleinement efficace après dix ans".

À Bordeaux, Château Palmer a également adopté la préparation bouse de corne (photo d'illustration de l'article). Le domaine Margalais a commencé à expérimenter la biodynamie en 2008 et l'a complètement adoptée en octobre 2013, pour finalement sortir son premier millésime certifié en 2018. Son vigneron Thomas Duroux nous confie que la mise en place de ces principes biodynamiques a permis d'obtenir "des résultats dans le vignoble" et de favoriser "une meilleure qualité des sols", tout en l'aidant à atteindre son objectif de "cultiver un vignoble sans aucune utilisation de produits chimiques". En expliquant la différence entre l'agriculture biologique et la biodynamie, Thomas Duroux note que cette dernière représente "une façon différente de voir l'agriculture" - lorsque vous appliquez des principes biodynamiques, "vous voyez l’exploitation comme un ensemble". Cette idée séduit plusieurs autres producteurs en biodynamie qui considèrent également que la biodiversité est au cœur de ce mode d'agriculture.

Biodynamie

En effet, Elisabetta Foradori nous raconte que depuis sa conversion en biodynamie, la propriété Foradori a mis l'accent sur la biodiversité et la durabilité. Le bétail du domaine fournit désormais des produits laitiers ainsi que du compost pour le vignoble. Elisabetta Foradori a commencé à intégrer les principes de la biodynamie dans le domaine familial en 1999, a converti l'ensemble de la propriété en 2002, et a finalement obtenu la certification en 2009. Elle nous confie qu'elle commençait à se sentir "déconnectée des plantes après de nombreuses années de travail dans le vin" ; la viticulture biodynamique lui a permis "de se plonger dans les profondeurs de la vie des plantes et du sol". Elle affirme que cette pratique a favorisé "l'évolution de la fertilité du sol", ce qu’elle constate en voyant les racines de la vigne "pousser de plus en plus profondément".

Plus au sud, dans le Chianti, l’équipe du domaine Querciabella dit pratiquer une biodynamie "sans cruauté", sans utilisation de fumier ou de restes d'animaux dans le sol. Le vigneron Manfred Ing affirme que bien qu'il ait "éliminé toutes les préparations à base d'animaux", le domaine a mis en place une stricte préparation des cultures de couverture en implantant jusqu'à 35 plantes différentes dans ses vignobles en fonction des sols et des raisins qui poussent sur chaque parcelle. Il indique que cela améliore la qualité de la terre tout en respectant les principes de la biodynamie qui consistent à "obtenir autant de vie quantifiable que possible dans le sol et le vignoble".

Conformément à ce que pensent aussi les autres producteurs en biodynamie, Elisabetta Foradori affirme que cette pratique permet au vin de "refléter le message du terroir" tout en favorisant "la pureté et le caractère". Ce constat résonne tout particulièrement chez Leroy, l'un des domaines pionniers de la biodynamie en Bourgogne. Son équipe nous a expliqué que l'agriculture biodynamique permettait en effet à la propriété de mieux "exprimer le caractère" de ses différentes parcelles. L'équipe, qui a pratiqué l'agriculture biodynamique depuis le jour où le domaine a été racheté par Lalou Bize-Leroy en 1988, nous a indiqué qu’ "il n’y avait même personne en bio" dans la région à cette époque, et que les gens "pensaient que c’était fou" de délaisser l'utilisation d'engrais et de prendre le risque de subir une baisse de rendement. Ils parlent de la Bourgogne comme étant un « endroit idéal » pour la biodynamie, grâce à sa capacité à exprimer les disparités entre les différentes exploitations viticoles d'un même cépage bourguignon : un "véritable test sur l'origine du vin".

Même si les interprétations des pratiques biodynamiques peuvent varier en fonction des producteurs, tous s’accordent sur le fait que les résultats sont bien réels. Avec un nombre croissant d’adeptes, nous devrions assister dans les années à venir à une plus grande reconnaissance de ce mode de viticulture dans l'industrie des grands vins.

Cet article a été réalisé par l'équipe Wine Lister, site du groupe Figaro.


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