international - La Bolivie poursuit son ascension viticole

Il y a 1 année 610

La Bolivie est grande comme deux fois la France, et compte environ 4 000 ha de vignes répartis sur quatre zones du sud du pays en proximité de la frontière avec l’Argentine et le Chili. Moins connus et moins médiatisés que leurs grands voisins, les vins boliviens poursuivent en toute discrétion leur ascension. Ils partagent cependant avec eux le « label » Vinos de Altura. Plantés à 90% à plus de 1500m d’altitude, ils sont considérés, avec les argentins, comme les vignobles les plus hauts du monde. Comme pour l’ensemble des producteurs sud-américains, la vigne est arrivée sur les contreforts de l’altiplano bolivien avec les colons espagnols il y a 600 ans environ.

Du muscat vers des cépages internationaux

Pays aux multiples paradoxes, la Bolivie est à la fois l’un des plus pauvres en PIB par habitant mais aussi riche en gaz, en lithium et en pétrole. Elle semble mieux résister aux crises Covid, inflation, énergie… que les autres sud-américains et apparaît plus stable que ses grands et remuants voisins. À l’image des pétromonarchies du golfe, cette économie construite sur la rente minière interpelle de nombreux opérateurs et responsables qui souhaitent la diversifier et la renforcer par des investissements pérennes, durables, agricoles, peu soumis aux aléas des marchés mondiaux. La vigne semble répondre à tous ces critères.

Longtemps bâti à 80% sur le muscat destiné à la table ou la production de singani (équivalent du pisco obtenu par distillation), le vignoble poursuit sa mue, entreprise il y a une dizaine d’années. Un hectare de vigne peut même permettre à un petit producteur de raisin de tirer le même revenu qu’avec 150 ha de maïs ! On comprend donc facilement pourquoi dans certaines zones, on souhaite planter massivement avec le soutien des autorités locales qui financent une bonne partie des investissements.

Des caves engagées dans la préservation de l'environnement

Ce développement est fondé sur une réorientation de l’encépagement vers des cépages internationaux (cabernet, merlot, tannat, syrah…) et une montée en gamme vers des vins rouges plus qualitatifs. Aujourd’hui, le nombre de bodegas produisant et achetant du raisin à des centaines de petits paysans, est estimé à 80, dont une douzaine de gros opérateurs historiques et augmente vite. La production nationale de vin est évaluée à 20 millions de bouteilles, pour 5 millions de bouteilles de singani, qui reste un produit incontournable, culturel et identitaire. Et les succès à l’export comme les médailles obtenues, ou les excellentes notes par quelques grands noms (mondial de Bruxelles pour campo de Solana, Tannat du monde pour Aranjuez…) tendent à prouver que la Bolivie est sur la bonne voie.

De plus, ce développement quantitatif et qualitatif intègre totalement la dimension environnementale, où l'on semble beaucoup plus sensible à ce sujet que dans nombre d’autres pays du continent. Ainsi, dans des conditions héroïques de travail (altitude, sols pauvres et conditions hydriques quasi désertiques), bon nombre de bodegas ont déjà pris le virage environnemental avec une démarche collective de gestion de l’eau d’irrigation, mais aussi avec des choix très originaux.
Ainsi, la bodega Vilte, dirigée par quatre sœurs, plante systématiquement sur ses 60 ha de vignes de la pomme de terre comme couvert végétal entre les rangs. La pomme de terre est à la fois un intéressant complément de revenu par la vente du tubercule, et la biomasse un très bon couvert végétal et un riche engrais organique.

Des pommes de terre sont implantées entre les rangs de vigne de la bodega Vilte en Bolivie (Stéphane Badet)

La bodega Concepcion, quant à elle, utilise des arbres endémiques (les schinus molle ou mollé d’Amérique ou faux poivrier) comme insecticide naturel et support de palissage pour des conduites traditionnelles.

Citons enfin trois bodegas qui ont créé une gamme spéciale de vins dont les étiquettes affichent les animaux emblématiques de la réserve naturelle voisine pour laquelle 20% de la vente de chaque bouteille sont donnés pour la sauvegarde de cette biodiversité animale sauvage.

Des arbres schinus molle sont implantés à proximité des vignes pour repousser les insectes (S.Badet)

Reste cependant à faire mieux connaître ces vins et à développer l’export, et la consommation nationale qui reste très faible, de l’ordre 2l/an/habitant, dont 50% sont du vin de contrebande d’Argentine ou du Chili. Tant au niveau terroir, que production ou consommation, voire œnotourisme, le potentiel est important sur tous les points. Les projets de plantation sont nombreux, les moyens financiers et l’envie sont puissants, ce qui pourrait amener la Bolivie à dépasser dans les années à venir l’Uruguay en matière de surface de vignoble et de volume de vin.

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