L’artiste, les bulles et le cuisinier

Il y a 3 années 734

La gastronomie est-elle un art ? C’est l’une des questions posées par la maison Ruinart avec son nouveau programme annuel "Food for Art", qui met en relation un artiste contemporain et un chef cuisinier, sous l’œil complice de son chef de cave, Frédéric Panaïotis. Un projet né 38 mètres sous terre, dans les crayères classées au patrimoine mondial de l’Unesco, à Reims. Invité à livrer son regard sur la plus vieille maison de champagne française (1729), le peintre écossais David Shrigley a choisi le thème des Unconventional ­Bubbles (Bulles singulières).

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À travers une quarantaine d’œuvres – des gouaches mais aussi des graffitis à même les murs des caves –, il dresse un portrait drôle et corrosif des cuvées, du travail de la vigne et de la fabrication du champagne. L’aventure s’est poursuivie à La Madelaine-sous-Montreuil (Pas-de-Calais), fief d’Alexandre Gauthier. Qui mieux que le 2 étoiles ultracréatif de la ­Grenouillère pour traduire dans l’assiette la vision singulière de Shrigley ?

" C’est un projet hors normes, très constructif, confie le cuisinier quadragénaire, qui a repris l’auberge familiale en 2003 pour la hisser sur la ­piste aux étoiles. L’art est pour moi une bouffée d’air, il me nourrit en énergie, élargit ma vision du monde. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer certains artistes dont je possède humblement quelques œuvres : Annette Messager, Georges Mathieu, Combas… J’aime la spontanéité des dessins de David Shrigley, de ses phrases. Il dénonce notre société de façon ­ironique, mais sans chercher à culpabiliser. Ce qui est rare de nos jours ! Il est ­arrivé à la Grenouillère tard le soir, par bateau, un jour de tempête. Il était déboussolé, mais nous avons su le recevoir et le mettre à l’aise. La conversation s’est faite assez naturellement. C’était une vraie rencontre, dans l’équité ! " De celle-ci est né un menu, servi une fois par mois au grand public, sur réservation, à La Grenouillère. Pour chaque plat, Frédéric Panaïotis a suggéré les cuvées ­Ruinart idoines. Histoire de ne pas enfermer le champagne dans un rôle d’apéritif.

"La photographie d'un territoire"

Au fil de onze services, le convive déguste un ­soufflé snacké de pelure d’oignon, en écho à la robe du Dom Ruinart Rosé 2004 : à la sucrosité et la légère amertume de la cuvée répond un concentré de goût et de légèreté, dont l’aspect déstabilisant est l’un des marqueurs de la cuisine de ­Gauthier. Suit une grosse raviole noire à l’encre de seiche, garnie de beurre truffé et d’œuf, parsemée de poudre de pop-corn blanche (en clin d’oeil à la poussière des crayères gravées par Shrigley), servie avec un ­Ruinart rosé : parfaitement al dente, cette nouvelle version de la pâte signature du chef – elle est habituellement rouge, grâce à la betterave, et garnie de haddock – surprend à la découverte du jaune d’œuf coulant à la découpe. Brioche maison et oursin de la mer du Nord ; dorade et ‘’ mauvaises  ‘’ herbes ; blinis au lait entier et tourteau ; vive brûlée, eau de mer, coquil­lages et algue en tempura ; caille croustillante, ­gnocchi et cèpes ; poulet rôti (une autre signature du chef, où la saveur du plat familial est enfermée dans une petite bille blanche).

Un voyage en hommage aux richesses de la Côte d’Opale : des produits ­simples, magnifiés de façon inattendue par le talent d’un grand chef parmi les plus radicaux de son ­époque. Le repas se termine en légèreté par un trio de desserts (timbale de chèvre, feuilleté de mûres givré, cacao et amandes) escorté d’un brut millésimé R de Ruinart 2011.

" Ma cuisine est une proposition singulière, personnelle, libre, sincère, en mouvement, l’expression éphémère d’un discours, la photographie d’un ter­ritoire ", raconte Gauthier. Se restaurer à La ­Grenouillère – et encore mieux, y séjourner, particulièrement dans l’une des huttes cachées dans le jardin –, c’est la garantie d’un moment hors du temps, dans un cadre au charme fou, entre les mains d’un alchimiste de notre époque.

Dîners une fois par mois à La Grenouillère (La Madelaine-sous-Montreuil, 62), en accords mets et champagnes à 260 € par personne. Infos programmation sur Ruinart.com

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