Politique agricole européenne - Préparer l’après-2027

Il y a 1 année 685

De l'avis des deux eurodéputés, Éric Andrieu et Irène Tolleret, le prochain locataire de l’Élysée devra porter haut l’agriculture européenne, à l’heure même où les notions de sécurité et de souveraineté alimentaire n’ont jamais été autant au cœur des enjeux.

Glyphosate, NBT (nouvelles techniques d’amélioration des plantes), mise en œuvre de la nouvelle PAC, Pacte vert, Farm to Fork, autant d’enjeux qui se jouent à l’échelle de l’Union européenne et qui dessineront, à n’en pas douter, le futur de l’agriculture européenne. Et lorsque l’on parle d’agriculture en Europe, la France, en tant que premier producteur agricole de l’UE, doit avoir voix au chapitre. Le ou la prochaine locataire de l’Élysée devra porter et assumer ces sujets. Nous avons recueilli l’avis de deux parlementaires européens, Éric Andrieu pour le groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (PSE) et Irène Tolleret pour le groupe Renew Europe (ex-Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe). Tous deux siègent, entre autres, au sein de la commission de l’agriculture et du développement rural.

Le premier sujet sur la table concerne la mise en œuvre de la future PAC au 1er janvier 2023. Si la France a d’ores et déjà rendu sa copie concernant son plan stratégique national (PSN), ce n’est pas le cas d’autres États membres. « Nous avons pris beaucoup de retard. La volonté de renationaliser les politiques agricoles à travers les PSN n’est pas de bon augure selon moi. Imaginez le travail de la commission qui va devoir mettre en harmonie des PSN qui de 4 pages et d’autres de 4 000 comme en France. J’ai du mal à imaginer que ce soit effectif pour 2023 », explique Éric Andrieu, un brin sceptique. Le ton se veut plus optimiste du côté d’Irène Tolleret : « Cette future PAC est ambitieuse, elle se veut plus verte, un tel changement ne se fera pas de manière fluide. Mais je suis confiante sur l’échéance, d’autant plus qu’a été intégrée la notion de “droit à l’erreur”. »

Toutefois, les parlementaires regrettent que les contours de cette nouvelle PAC aient été dessinés lors de la précédente mandature, avant 2019. Et Éric Andrieu estime que le ou la future présidente de la République devra se concentrer à préparer la prochaine PAC et de la mettre en phase avec les objectifs du Pacte vert, c’est-à-dire l’après-2027.

Les clauses miroirs comme objectifs prioritaires

L’actuel ministre français de l’Agriculture a fait du sujet des clauses miroirs une priorité, à l’occasion de la présidence française de l’UE (premier semestre 2022). L’objectif est d’interdire l’importation de produits qui ne respectent pas les normes de productions européennes en matière d’environnement et de normes sociales. Certains parlent aussi du principe de réciprocité.

De l’avis des deux députés, certes il ne sera pas réglé à l’issue du mandat de la France à l’échelle de l’UE, mais c’est un sujet qui fait relativement consensus au niveau de l’Europe, il progresse et de manière favorable dans les esprits de chacun. « Ces clauses miroirs résonnent avec les enjeux de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. Il faut sortir du cadre actuel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) devenu obsolète. L’UE et la France devront être en capacité de peser sur ces enjeux », précise Éric Andrieu. « Nous avons déjà des outils législatifs pour que nos directives deviennent OMC compatibles. Ce n’est pas un sujet qui se règle en quelques jours, mais il est sur les rails. Le bon sens devrait l’emporter. Si certains pays membres sont un peu réticents, ils vont vite se rendre compte, ne serait-ce qu’à l’échelle du seul marché européen, qu’il sera dans leur intérêt de ne pas se fourvoyer vers du moins-disant environnemental et sociétal », assure Irène Tolleret.

« Glyphosate et NBT, la science doit avoir le dernier mot »

L’autre grand sujet, ô combien sensible, qui attend le ou la prochaine présidente de la République○ : la réautorisation du glyphosate (l’Europe doit se prononcer d’ici fin 2022) et l’avenir des New Breeding Techniques (NBT) à travers l’évolution de la réglementation. S’agissant du glyphosate, Irène Tolleret insiste sur le fait « qu’il faut faire confiance à la science et se référer au positionnement des agences scientifiques européennes. Je ne suis pas pour l’écologie punitive, je suis pour le pragmatisme sur ces questions-là. Il faut une législation adaptée, qui permette rapidement l’émergence de solutions alternatives comme le biocontrôle ». Du côté du PSE, Éric Andrieu n’est pas connu pour être un farouche défenseur du glyphosate : « Je ne suis pas pour un arrêt immédiat, mais il faut tendre vers. Dans 90 % des cas, on peut s’en passer. Le nouveau règlement sur l’utilisation durable des pesticides sera présenté à la commission au début du printemps 2022, il est en ligne avec l’objectif fixé par le Farm to Fork, 25 % de la SAU en bio et diminution de 50 % des intrants. Affirmer cet objectif, ce n’est pas nécessairement l’atteindre, mais au moins cela nous oblige à l’évaluation. »

Et concernant les NBT, les deux élus sont sur la même longueur d’onde. Envisager ces nouvelles techniques comme des outils, et s’ils apportent à la société des bénéfices pour la santé et l’environnement, alors il faut avancer, tout en garantissant des limites éthiques à leurs usages.

« Porter l’agriculture dans le débat sociétal »

Au-delà de ces grands enjeux, Éric Andrieu préfère résumer les choses de la manière suivante○ : « Le plus grand des enjeux est d’avoir le courage de porter l’agriculture dans le débat sociétal en redonnant la parole aux agriculteurs et aux consommateurs. La future présidence doit réinvestir le sens, car l’agriculture touche à l’alimentation, à la biodiversité, au changement climatique. Et c’est ce qu’elle devra porter ces cinq prochaines années pour redonner de sa superbe à l’agriculture. »

Article paru dans Viti hors-série d'avril 2022

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