Vigneron du monde - Argentine - Anticiper les changements

Il y a 1 année 862

Thibault Lepoutre est le responsable du domaine argentin de François Lurton. Dans un pays réputé pour ses vins rouges, les vins blancs ont une place importante sur les 136 ha de vignes que compte la bodega Piedra Negra certifiée bio.

9 mai. Les vendanges se sont achevées fin mars. Il y a quelques années en arrière, elles se terminaient un mois plus tard. Deux phénomènes expliquent ce décalage.

Le premier est de notre fait. Nous ne recherchons plus les mêmes profils de vins qu’il y a dix ans à la bodega Piedra Negra. Pour satisfaire aux attententes nouvelles de nos clients, les rouges sont récoltés avec une maturité moins avancée. En cave, on extrait moins. Désormais, il n’y a plus de correction systématique de l’acidité. On a gagné en naturel sur des vins plus frais.

Le deuxième phénomène expliquant la précocité des vendanges est mondial : c’est évidemment le changement climatique.

Sur le mois d’avance que nous avons pris en dix ans, je dirais que 15 jours sont imputables au nouveau style de nos vins et 15 jours aux conditions météorologiques sur l’année. Les changements se perçoivent notamment sur les précipitations. Il y a moins de neige en hiver sur les montagnes. Les champs de glace qui en fondant alimentaient les systèmes d’irrigation de la vigne sont moins importants. A contrario nous avons plus de pluies dans la vallée. La disponibilité en eau est, on le sait, un problème latent. On en ressent dès à présent les premiers effets. Il y a moins d’eau dans les puits de la bodega.

La problématique est nationale et il y a une prise de conscience sur l’intérêt d’agir pour limiter les pertes. Dans la province de Mendoza, des aides à l’investissement ont récemment été mises en place pour moderniser les dispositifs d’irrigation des vignes. A l’échelle individuelle, l’idée est de passer de la submersion au goutte-à-goutte. Comme il n’y a pas de réseau collectif sous pression, les viticulteurs qui veulent faire cette transition doivent construire des retenues et investir dans une pompe pour pousser l’eau dans les tuyaux.

A la bodega aussi, nous allons profiter d’aides pour installer des filets anti-grêle sur 5 ha de parcelles servant à élaborer nos grands vins rouges et blancs. Nous sommes relativement épargnés dans la vallée de l’Uco mais mieux faut prévenir que subir ! Sont aussi éligibles les palissages. Et sur les parcelles plantées il y a 20 ans, il y a de quoi changer. On estime devoir remplacer un piquet sur quatre. A la main, car comme je vous l’expliquais antérieurement dans nos sols si durs et pierreux les machines n’arrivent pas à faire de trous. En Argentine, les piquets sont en bois d’eucalyptus ou d’algarrobo. Importer des piquets en acier galvanisé est beaucoup trop onéreux.

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