Plusieurs bouchonniers devraient présenter dans un avenir proche des bouchons techniques en liège micro-agglomérés élaborés uniquement à partir de matières premières végétales. Les liants, mais aussi les traitements de surface, sont concernés.
Grâce aux bouchons en liège micro-agglomérés, le liège a retrouvé de sa superbe. Cette catégorie d’obturateurs, première à garantir une absence de déviations organoleptiques, a ouvert le chemin des traitements contre le TCA avec l’emploi du CO2 supercritique. Désormais, même les bouchons en liège naturel bénéficient de méthodes d’extraction pour éliminer les molécules inappropriées à une bonne conservation du vin.
D’ici 2025, les bouchons en liège micro-agglomérés devraient à nouveau être sous le feu des projecteurs avec des innovations sur leur composition. Ces bouchons, qui comprennent déjà une très large part de liège, devraient gagner en ingrédients biosourcés. Exit les composés pétrosourcés ! Place à la biochimie.
La chimie des sucres et des huiles comme alternatives
L’entreprise française Diam, qui s’est construite sur les bouchons techniques, est particulièrement active sur ce sujet. Déjà en 2017, le bouchonnier proposait la gamme Origine sans microsphères plastiques pour assurer l’élasticité de ses bouchons. La cire d’abeille sourcée en Europe s’y substitue et vient enrober la farine de liège. Aujourd’hui, les équipes Diam continuent leur travail d’optimisation en se penchant sur le polyuréthane.
Actuellement, ce polymère plastique est utilisé pour l’agglomération des particules de liège entre elles. La synthèse du polyuréthane est possible par la rencontre d’un isocyanate et d'un alcool (molécule avec une fonction -OH). « Notre objectif n’est pas de substituer cette matière, qui d’un point de vue mécanique possède des propriétés est assez remarquable, mais plutôt de biosourcer les molécules entrant en jeu lors de sa synthèse, précise Christophe Loisel, le directeur R&D chez Diam Bouchage. Pour Origine by Diam, nous avons ainsi remplacé les polyols pétrosourcés par de l’huile de ricin naturellement dotée de fonctions alcools. Il nous reste à valider nos essais avec un isothianate biosourcé. »
Le défi est important aux vues du nombre de contraintes. Diam s’impose des solutions non OGM, non allergènes, qui n’entrent pas en compétition avec l’alimentation humaine, avec une neutralité organoleptique et, bien sûr, qui n’affectent pas la qualité attendue des bouchons de la marque. « Les contraintes sont aussi administratives et réglementaires, si le produit identifié n’est pas déjà autorisé pour le contact alimentaire, complète Christophe Loisel. Dans la gamme Origine, 98 % du volume des bouchons sont biosourcés. Les 2 % restant s’avèrent être les plus compliqués à substituer. »
Le défi technique concerne aussi le mince traitement de surface qui enrobe tous les bouchons en liège, naturels ou techniques. « D’ici deux-trois ans, nous devrions être prêts. La chimie des sucres et celle des huiles sont en constante évolution. »
De l’huile de pépin de raisin
Les concurrents de Diam ne sont pas en reste pour aller vers des bouchons techniques exempts de matières plastiques pétrosourcés.
Le bouchonnier Amorim devrait tout prochainement proposer des bouchons micro-agglomérés1 avec un liant partiellement biosourcé. Ici, ce sera l’huile de pépin de raisin qui servira de support à la molécule d’alcool présente dans le polymère du liant. « Les brevets sont en cours de dépôt, annonce Paulo Lopes, responsable R&D d’Amorim. Aussi, d’ici 2023, nous devrions lancer un bouchon en liège naturel dont le traitement de surface n’utilise pas d’huile de paraffine dérivée de l'industrie pétrochimique. À terme, la technologie sera déployée sur nos bouchons micro-agglomérés. En 2025, nous espérons proposer des références bouchons techniques sans matières plastiques pétrosourcés. Progressivement, nous étendrons nos innovations aux bouchons pour les vins effervescents. »
Anticiper la raréfaction du pétrole
Si la recherche est active, les bouchons techniques biosourcés ne sont pas appelés à remplacer à court terme tous les bouchons techniques « traditionnels » utilisant des composés pétrosourcés. Mais la recherche d’un développement de plus en plus durable aiguillonne l’industrie du liège. « Il y a une attente de la part des vignerons et pour la pérennité des entreprises comme Diam, il nous faut savoir nous affranchir de la pétrochimie », conclut Christophe Loisel.
(1) Dans toute sa gamme de bouchons micro-agglomérés, Amorim utilise du liège sans ajout de microsphères plastiques.
Vinventions : du plastique comme solution à la protection de l’environnement
Depuis plusieurs années, le bouchonnier Vinventions, avec sa marque Normacorc, s’attelle à diversifier l’origine des plastiques entrant dans la composition de ses bouchons synthétiques. Le bouchon Green Line fait à partir de canne à sucre a été la première étape de cette transition. L’entreprise s’oriente désormais vers l'utilisation de plastiques recyclés.
Dans un webinaire diffusé en novembre, Vinventions a fait un point sur ses orientations environnementales. À ce jour, en Europe, 42 % des plastiques sont incinérés, 25 % sont enfouis et 32 % sont recyclés. Le gisement de plastique recyclé et potentiellement recyclable est important. Pour sa gamme de bouchons Blue Line, Vinventions a donc choisi d'utiliser des plastiques mixtes recyclés issus de la collecte des déchets. En 2022, la production de bouchons Blue Line s’est montée à 75 millions d’unités.
En parallèle de cette innovation, le bouchonnier a travaillé à compenser son empreinte plastique, c’est-à-dire la quantité totale de plastique mis sur le marché comprenant les bouchons Blue Line ainsi que les plastiques d’emballages associés à la livraison des obturateurs. L’association South Pole avec laquelle collabore l’entreprise a estimé que 91 % des plastiques concernés étaient collectés. 9 % ne l’étaient pas, ce qui représente 29 tonnes dispersées dans la nature. Pour compenser cette perte de plastique, Vinventions finance notamment des associations locales qui œuvrent pour le ramassage des déchets sur la côte méditerranéenne.
Avec un objectif de doublement des ventes en 2023, le bouchonnier prévoit dès à présent de compenser près de 70 tonnes de plastique l'année prochaine.